Samuel Paty

L’allocution du chef de l’État

Allocution d’Emmanuel Macron1, Conflans-Sainte-Honorine, vendredi 16 octobre 2020 :

L’hommage rendu en Sorbonne

Hommage rendu en Sorbonne2 mercredi 21 octobre 2020 :

Les faits

Conférence du procureur national antiterroriste Jean-François Ricard3, samedi 17 octobre 2020 :

Conférence du procureur national antiterroriste Jean-François Ricard mercredi 21 octobre 2020 :

Message du ministre de l’Éducation nationale

Message aux professeurs et personnels4, vendredi 16 octobre 2020 :

Interview du ministre de l’Éducation nationale

Jean-Michel Blanquer, solide et adulte, lors de l’émission Questions Politiques, dimanche 18 octobre midi.

Entretien avec le ministre de l’Intérieur

Entretien avec Gérald Darmanin, lundi 19 octobre matin.


Place de la République, dimanche 18/10/2020

Auteur/Autrice

  1. Emmanuel Macron : Je voulais ce soir, accompagné des Ministres, de monsieur le Maire, de monsieur le Président du Conseil départemental, de nos Préfets, de nos fonctionnaires ici, dire quelques mots.

    Un de nos concitoyens, dont je ne dirai pas de manière officielle le nom ce soir car notre Procureur s’exprimera dans les prochaines heures et il lui appartient de dévoiler l’ensemble des identités comme des faits, et donc je ne parlerai pas des détails de ce qui s’est passé ce soir à Conflans, mais un de nos concitoyens a été assassiné, aujourd’hui, parce qu’il enseignait, parce qu’il apprenait à des élèves la liberté d’expression, la liberté de croire et de ne pas croire. Notre compatriote a été lâchement attaqué, a été la victime d’un attentat terroriste islamiste caractérisé.

    Ce soir, je veux avant toute chose avoir une pensée pour l’ensemble de ses proches, sa famille, avoir une pensée pour ses collègues ici, au collège. Nous avons vu madame la Proviseure qui, avec un courage remarquable ces dernières semaines, a tenu face à toutes les pressions, a exercé son métier, fait son devoir avec un dévouement remarquable. Je veux avoir un mot de soutien pour elle, l’ensemble des enseignants, l’ensemble de l’équipe de ce collège. Mais plus largement, je veux dire ce soir à tous les enseignants de France que nous sommes avec eux, que la Nation toute entière sera là à leurs côtés aujourd’hui et demain pour les protéger, les défendre, leur permettre de faire leur métier, qui est le plus beau qui soit, faire des citoyens libres.

    Il n’y a pas de hasard si ce soir, c’est un enseignant que ce terroriste a abattu, parce qu’il a voulu abattre la République dans ses valeurs, les Lumières, la possibilité de faire de nos enfants d’où qu’ils viennent, qu’ils croient ou qu’ils ne croient pas, quelle que soit leur religion, d’en faire des citoyens libres. Cette bataille, c’est la nôtre, et elle est existentielle.

    Ce soir, je veux aussi remercier l’ensemble des forces de l’ordre qui, avec un courage exemplaire, sont intervenues avec une rapidité exceptionnelle pour mettre fin à la course mortelle de ce terroriste ; à la police municipale, merci monsieur le Maire et merci à vos agents, et à notre police nationale qui, avec courage, a fait son devoir. Beaucoup de choses ont été dites. monsieur le Procureur de la République reviendra dans les heures qui viennent, je le disais, sur cette affaire, et détaillera ce qu’il sait et ce qui sera établi de cet acte terroriste islamiste. Mais je veux dire ce soir de manière très claire : ils ne passeront pas.

    Nos policiers, nos gendarmes, l’ensemble de nos forces de sécurité intérieure, nos forces de renseignement, mais au-delà de cela, toutes celles et ceux qui tiennent la République, et à leurs côtés, magistrats, élus, enseignants, tous et toutes, nous feront bloc. Ils ne passeront pas. L’obscurantisme et la violence qui l’accompagne ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C’est ce qu’ils cherchent, et nous devons nous tenir tous ensemble, citoyennes et citoyens. Et j’appelle l’ensemble de nos compatriotes, dans ce moment, à faire bloc, à être unis sans aucune distinction quelle qu’elle soit car nous sommes d’abord et avant tout des citoyens unis par des mêmes valeurs, une histoire, un destin. Cette unité est indispensable. Beaucoup de choses ont été dites et je n’en rajouterai pas ce soir. Les actes sont là et seront là, avec fermeté, rapides.

    Vous pouvez compter sur ma détermination et celle du Gouvernement.
  2. Transcript Google : mesdames messieurs ce soir je n’aurai pas de mot pour évoquer la lutte contre l’islamisme politique radicale qui mène jusqu’au terrorisme les mots je les ai eu le mal je les nommer les actions nous les avons décidé nous les avons durci nous les mènerons jusqu’au bout ce soir je ne parlerai pas du cortège de terroristes de leurs complices et de tous les lâches qui ont commis est rendu possible cet attentat je ne parlerai pas de ceux qui ont livré son nom aux barbares ils ne le méritent pas de nom eux n’ont même plus ce soir je ne parlerai pas davantage de l’indispensable unité que toutes les françaises et tous les français ressentent elle est précieuse et oblige tous les responsables à s’exprimer avec justesse et à agir avec exigence non ce soir je veux parler de votre fils je veux parler de votre frère de votre oncle de celui que vous avez aimé de ton père ce soir je veux parler de votre collègue de votre professeur tomber parce qu’il avait fait le choix d’enseignés assassiné parce qu’il avait décidé d’apprendre à ses élèves à devenir citoyens à prendre les devoirs pour les remplir à prendre les libertés pour les exercer ce soir je veux vous parler de samuel pâtit samuel pâtit aimer les livres le savoir plus que tout son appartement était une bibliothèque c’est plus beau cadeau des livres pour apprendre il aimait les livres pour transmettre à ses élèves comme à ses proches la passion de la connaissance le goût de la liberté après avoir étudié l’histoire à lyon et avoir envisagé devenir chercheur il avait emprunté la voie tracée par vous séparant instituteur et directeur d’école à moulins en devenant chercheurs en pédagogie comme il aimait à se définir en devenant professeur aussi nous pouvait-on trouver meilleur endroit que la sorbonne notre lieu de savoir universel depuis + de vie siècle le lieu de l’humanisme pour que la nation puisse lui rendre cet hommage samuel bâti aimé passionnément enseigné il le fit si bien dans plusieurs collèges et lycées jusqu’à celui de conflans sainte honorine nous avons tous ancrés dans nos coeurs dans nos mémoires le souvenir d’un professeur qui a changé le cours de notre existence vous savez cet instituteur qui nous a appris à lire à compter à nous faire confiance cet enseignant qui nous a pas seulement a pris un savoir mais nous a ouvert un chemin par un livre un regard un instant passé par sa considération samuel pâtit était de ceux-là de ses professeurs que l’on n’oublie pas de ces passionnés capables de passer des nuits à apprendre l’histoire des religions pour mieux comprendre ses élèves leurs croyances de ses humbles qui se remettait mille fois en question comme pour ce cours sur la liberté d’expression la liberté de conscience qu’il préparait depuis juillet encore l’été dernier à moulins à vos côtés et des doutes qu’il partageait par exigence par délicatesse samuel pâtit incarner au fond le professeur dont rêvait jaurès dans cette lettre aux instituteurs qui vient d’être lu la fermeté unis à la tendresse celui qui montre la grandeur de la pensée enseigne le respect donne à voir ce qu’est la civilisation celui qui s’était donné pour tâche de faire des républicains alors reviennent comme en écho les mots de fer non buisson pour faire un républicain écrivait-il il faut prendre l’être humain si petit et si humble qu’il soit et lui donner l’idée qu’il faut penser par lui-même qu’il ne doit ni foi ni obéissance à personne que c’était lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d’un mètre d’un directeur d’un chef quel qu’il soit faire des républicains c’était le combat de samuel bâti et si cette tâche aujourd’hui peut paraître titanesque notamment là où la violence l’intimidation parfois la résignation prennent le dessus elle est plus essentielle plus actuelle que jamais ici en france nous aimons notre nation sa géographie ses paysages et son histoire sa culture et ses métamorphoses son esprit et son coeur et nous voulons l’enseigné à tous nos enfants ici en france nous aimons le projet tout à la fois therrien et universel que porte la république son ordre et ses promesses chaque jour recommencer alors oui dans chaque école dans chaque collège dans chaque lycée nous redonnerons aux professeurs le pouvoir de faire des républicains la place et l’autorité qui leur reviennent nous les formerons les considérons comme il se doit nous les soutiendrons nous les protégerons autant qu’il le faudra dans l’école comme hors de l’école les pressions l’abus d’ignorance et d’obéissance que certains voudraient instaurer n’ont pas leur place chez nous je voudrais que ma vie et ma mort serve à quelque chose avait il dit un jour comme par prescience alors pourquoi samuel futile tués pourquoi vendredi soir j’ai d’abord cru à la folie aléatoire à l’arbitraire absurde une victime de plus du terrorisme gratuit après tout il n’était pas la cible principale des islamistes il ne faisait qu enseigner il n’était pas l’ennemi de la religion dont ils se servent ils avaient lu le coran est respecté ses élèves quelles que soient leurs croyances il s’intéressait à la civilisation musulmane non tout au contraire samuel pâtit fut tué précisément pour tout cela parce qu’il incarnait la république qui renaît chaque jour dans les salles de classe la liberté qui se transmet et se perpétue à l’école samuel bâti fille tuée parce que les islamistes veulent notre futur et qu’ils savent qu’avec des héros tranquille tels que lui ils ne l’auront jamais eu c’est par les fidèles et les mécréants samuel pâtit ne connaissait que des citoyens eux se repaissent de l’ignorance lui croyait dans le savoir eux cultivent la haine de l’autre lui voulait sans cesse en voir le visage découvrir les richesses de l’altérité samuel pâtit fut la victime de la conspiration funeste de la bêtise du mensonge de la malle gamme de la haine de l’autre de la haine de ceux que profondément existentiellement nous sommes samuel patty est devenu vendredi le visage de la république de notre volonté de briser les terroristes de réduire les islamistes de vivre comme une communauté de citoyens libres dans notre pays le visage de notre détermination à comprendre à apprendre a continué d’enseigner à être libre car nous continuerons professeurs nous défendrons la liberté que vous enseignez si bien et nous porterons or la laïcité nous ne renoncerons pas aux caricatures au dessin même si d’autres reculs nous offriront toutes les chances que la république doit à toute sa jeunesse sans discrimination aucune nous continuerons professeurs avec tous les instituteurs et professeurs de france nous enseignerons l’histoire ces gloires comme ces vicissitudes nous feront découvrir la littérature la musique toutes les oeuvres de l’âme et de l’esprit nous aimerons de toutes nos forces le débat les arguments raisonnables les persuasion aimable nous aimerons la science et ses controverses comme vous nous cultiverons la tolérance comme vous nous chercherons à comprendre sans relâche et à comprendre encore davantage cela qu’on voudrait éloigné de nous nous apprendrons l’humour la distance nous rappellerons que nos libertés ne tiennent que par la fin de la haine et de la violence par le respect de l’autre nous continuerons professeurs et tout au long de leur vie les centaines de jeunes gens que vous avez formé exerceront cet esprit critique que vous leur avez appris peut-être certains d’entre eux deviendront ils enseignants à leur tour alors ils formeront des jeunes citoyens à leur tour ils feront aimer la république ils feront comprendre notre nation nos valeurs notre europe dans une chaîne des temps qui ne s’arrêtera pas nous continuerons oui ce combat pour la liberté et pour la raison dont vous êtes désormais le visage parce que nous vous le devons parce que nous nous le devons parce qu’en france professeur les lumières ne s’éteignent jamais vive la république vive la france
  3. Mesdames et Messieurs aujourd’hui j’ai tenu à m’exprimer au plus tôt, compte tenu de l’extrême gravité des faits qui
    ont été commis et de leur immense retentissement.

    Car cette fois c’est tout à la fois un enseignant qui a été assassiné pour le travail qu’il avait accompli, mais c’est aussi la liberté de pensée, la liberté d’expression, la nécessité absolue de pouvoir enseigner ces principes fondamentaux dans nos écoles, qui ont été atteints.

    Si j’ai tenu à m’exprimer moins de 24 heures après ce drame, c’est afin d’assurer dès à présent et conformément aux prérogatives qui m’ont été conférées par la loi, la diffusion d’une information la plus objective possible.

    Je tiens cependant à souligner que de nombreuses investigations doivent être encore réalisées afin de déterminer avec précision les roulements les faits mais
    aussi comment l’auteur a préparé son crime et de quelles éventuelles complicités il a pu bénéficier.

    Je veux aussi souligner que ce crime terroriste est le second commis pendant que se déroulent les audiences du procès des attentats du mois de janvier 2015 commencées au début
    du mois de septembre dernier. Cela confirme le très haut niveau de la menace terroriste islamiste à laquelle
    nous devons faire face.

    S’agissant des faits, l’enquête menée sous l’autorité du parquet antiterroriste qui s’est saisi le 16 octobre à 18h30 a permis de préciser leur déroulement.

    Le vendredi 16 octobre à 17h11 la police nationale a été sollicitée par la police municipale d’éragny sur Oise à la suite de la découverte d’un corps sur la voie publique, rue du Buisson Moineaux à Éragny. La police municipale désignait un homme porteur d’une arme de poing comme auteur présumé des faits. Les policiers nationaux identifiaient ce dernier à quelques centaines de mètres de là, rue Roger Salengro dans la même commune. À leur vue l’individu courrait dans leur direction en tirant à cinq reprises avec une arme de poing. Trois des policiers ripostaient ce qui entraînait la chute de l’assaillant. Alors qu’il tentait de se relever et de donner des coups de couteau aux policiers, il était neutralisé par les forces de l’ordre. Son corps présente neuf impacts d’entrée de balle. Un couteau de type poignard, une arme de poing de type airsoft, et cinq cartouches de gaz compatibles avec cette arme ont été saisis.

    L’individu neutralisé était porteur d’un titre de séjour délivré le 4 mars dernier et valable jusqu’en mars 2030, au nom de Abdoullakh Abouyedovich A, né le 12 mars 2002 à moscou en Russie. L’intéressé, de nationalité russe et d’origine tchétchène, bénéficiait du statut de réfugié et demeurait à Évreux dans l’Eure. Il était inconnu des services de renseignements. Sur un plan judiciaire, il n’a jamais été condamné, tout en étant connu pour des affaires de dégradation de biens publics et de violences en réunion alors qu’il était encore mineur.

    Immédiatement après les faits un message de revendication avait été posté sur un compte twitter nommé @Tchetchene_270, accompagné d’une photo macabre de la victime et du texte suivant : « au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, de Abdullah, le Serviteur d’Allah à Macron, le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad. Calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiment ».

    Dans un tweet suivant le scripteur désignait la victime par son nom. Les investigations ont pu confirmer qu’il s’agissait bien d’un compte appartenant à l’auteur des faits.

    La victime est un professeur d’histoire géographie du collège du Bois d’Aulne, situé à Conflans-Sainte-Honorine, à proximité immédiate du lieu des faits, il était âgé de 47 ans. Cet enseignant se trouvait sur le chemin le menant de son lieu de travail vers son domicile également situé à proximité, lorsqu’il a été attaqué avec une arme blanche. Il présentait de multiples plaies à la tête, aux membres supérieurs, à l’abdomen et il avait été décapité. Un second couteau d’une longueur totale de 35 cm, ensanglanté, était découvert à une trentaine de mètres du lieu du crime.

    Au regard de ces éléments et compte tenu de la nature des faits, du contexte de leur réalisation, du mode opératoire, et de la revendication, le parquet national antiterroriste s’est saisi et a ouvert une enquête de flagrance, des chefs d’assassinat en relation avec une entreprise terroriste, d’association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes d’atteinte aux personnes, confiée conjointement à la direction centrale de la police judiciaire et à la direction générale de la sécurité intérieure, étant précisé que la sous-direction antiterroriste a été désignée comme service coordonateur.

    S’agissant du contexte à présent, les premières investigations ont permis d’établir que début octobre, la victime avait lors d’un enseignement d’instruction morale et civique dispensé à une classe de 4ème, évoqué la liberté d’expression, thème s’inscrivant dans le programme officiel de l’Éducation nationale. Un débat avait ainsi été organisé autour de la publication des caricatures de Mahomet par le journal satirique Charlie Hebdo, et de l’opportunité de leur publication.

    Dès le 7 octobre au soir, le père de l’une des élèves publiait sur son compte facebook un récit des faits faisant état de la diffusion d’une image du prophète nu, et un appel à la mobilisation contre l’enseignant en vue de son exclusion. Il mentionnait aussi son propre numéro de téléphone. Quelques minutes plus tard il exhortait ses lecteurs à écrire au collectif contre l’islamophobie en France, à l’inspection académique, au ministre de l’Éducation nationale, ou au président la République.

    Le 8 octobre en fin de matinée, le père de l’élève, accompagné d’un second individu, se présentait au collège du Bois d’Aulne où il était reçu par la principale de l’établissement. Celle-ci tentait en vain d’apaiser les choses alors que les deux hommes exigeaient avec virulence le renvoi du professeur, sous peine de mobilisation et de manifestation. Le même jour en soirée, le même parent d’élève publiait une vidéo accompagnée d’un texte sur son compte facebook, dans laquelle il désignait cette fois nommément le professeur, donnait l’adresse du collège, et incitait — je le cite — à dire stop. Un peu plus tard cet individu se présentait au commissariat de Conflans-Sainte-Honorine accompagné de sa fille, afin de déposer plainte pour diffusion d’images pornographiques. Dans son audition cette jeune fille visait l’une des caricatures parues dans le journal Charlie Hebdo, et indiquait que cet enseignant, préalablement à son exposé, avait demandé aux élèves musulmans de lever la main et de sortir. Elle précisait avoir été exclue deux jours à la demande du professeur.

    Une enquête était ouverte à la suite de cette plainte et le 12 octobre le professeur était entendu. Il décrivait à cette occasion le déroulé de son exposé dont il remettait une copie. Il contestait énergiquement avoir demandé aux élèves musulmans de s’identifier et de sortir de la classe. En revanche il précisait avoir pris soin avant de montrer certains des dessins concernés, de proposer à ses élèves de ne pas les regarder, dans l’hypothèse où ils pourraient être heurtés par ceux-ci. Faisant état de la vidéo publiée par le père de l’élève, cet enseignant déposait plainte à son tour du chef de diffamation publique. Le support utilisé par le professeur s’articulait autour des contours et limites de la liberté d’expression. Il montrait à titre d’exemple deux des caricatures publiées par Charlie Hebdo. Il s’agissait pour la première de la une du journal satirique au lendemain de l’attentat du 7 janvier 2015, et pour la seconde d’un dessin représentant le prophète nu accroupi, légendé « Mahomet : une étoile est née! ».

    Le 12 octobre une seconde vidéo de 10 minutes intitulée « l’Islam et le prophète insultés dans un collège public » était publiée sur youtube. Le père de l’élève relatait à nouveau les faits. Puis sa fille était interviewée par un homme qui n’apparassait pas à l’écran, et confirmait ses déclarations livrées aux policiers. Une tierce personne précisait que le président Macron avait attisé la haine vis-à-vis des musulmans. Cet homme demandait l’exclusion de l’enseignant et menaçait de manifester devant le collège et l’inspection académique. Il s’agissait de l’homme qui avait accompagné le père de l’élève au collège lors du rendez vous avec la principale le 8 octobre précédent.

    La principale du collège faisait d’ailleurs état de nombreux appels menaçants reçus par le collège à la suite de la publication des vidéos du parent d’élève. Certains parents d’élèves étaient reçus ce qui permettait d’apaiser les tensions, à l’exception du père de la plaignante qui refusait de rencontrer l’enseignant. Elle précisait que le renvoi de sa fille était indépendant de l’incident des caricatures mais lié à des problèmes de comportement et aux multiples retards de la jeune fille. Convoqués pour le 14 octobre au commissariat, le père et sa fille ne se sont pas présentés.

    Selon les premiers témoignages l’auteur des faits se trouvait devant le collège durant l’après midi. Il y avait sollicité des élèves afin de lui désigner la future victime. La première exploitation de son téléphone, saisi à proximité de son corps, a permis de retrouver dans le bloc-notes le texte de la revendication enregistré à 12h17, ainsi que la photographie de la victime décédée, horodaté à 16h57. À ce stade des investigations, neuf personnes ont été interpellées et placées en garde à vue : quatre personnes issues de l’entourage familial direct de l’auteur des faits qui ont été placés en garde à vue hier soir ; deux personnes s’étant présentées spontanément en fin de soirée au commissariat d’Évreux et qui ont indiqué avoir été en contact avec l’auteur peu avant les faits ; le père de l’élève plaignante interpellé ce matin à Chanteloup-les-Vignes est également actuellement placé en garde à vue — il faut préciser que la demi-sœur de cet homme avait rejoint l’organisation état islamique en 2014 en Syrie et qu’elle fait à ce titre l’objet d’un mandat de recherche par un juge d’instruction antiterroriste ; enfin, dernières personnes actuellement placées en garde à vue, l’homme apparaissant sur les vidéos publiées le 12 octobre ayant accompagné le père de l’élève au collège, ainsi que sa compagne, qui ont été interpellés ce matin à Évry. Cet homme est d’ailleurs connu des services de renseignement.

    Les investigations se poursuivent maintenant et à présent aux fins de préciser l’emploi du temps de l’auteur dans les jours qui ont précédé les faits. Elles ont également pour finalité de déterminer le déroulement exact du crime et enfin elles ont pour objet d’établir l’implication des personnes gardées à vue ainsi que de toute autres personnes complices ou impliquées à un titre ou à un autre dans les faits.

    Mesdames et Messieurs je vous remercie de votre attention. Je ne répondrai pas à des questions aujourd’hui qui pourrait être posées, compte tenu de la lecture très récente des faits qui ne me permet pas d’avancer plus en avant sous peine de risquer de nuire à ces investigations. Je vous remercie encore, au revoir.
  4. Mesdames et messieurs les professeurs,
    Mesdames et messieurs les personnels de l’éducation nationale,
    Mesdames et messieurs les parents d’élèves,
    Chères familles, chers élèves, chers concitoyens,

    Ce vendredi 16 octobre, un professeur d’histoire et de géographie a été lâchement assassiné à Conflans-Sainte-Honorine.

    Ce matin je pense à lui, je pense à sa famille, à ses proches, à ses amis, je pense à ses collègues du collège où je me trouvais hier soir avec le Président de la République. Je pense en fait à tous les professeurs de France et à tous ceux qui aujourd’hui se sentent atteints par ce qui s’est passé parce que nous sommes tous concernés, tous touchés par cet assassinat ignoble.

    Ce professeur a été assassiné à cause de ce qu’il représentait : la République. Il a été assassiné à cause de ce qu’il incarnait : le savoir, au service de l’esprit critique, c’est-à-dire au service de la construction de citoyens libres et éclairés, c’est-à-dire le cœur de ce que nous faisons, quand nous faisons école.

    Il a été assassiné pour avoir donné un cours en lien avec l’un des piliers de la démocratie : la liberté d’expression.

    C’est un acte ignoble et lâche. C’est une attaque contre la République, parce que l’École est la colonne vertébrale de la République.

    Cet acte touche un de nos membres, un serviteur de l’État, un serviteur des enfants, un professeur. Lorsqu’un de ses membres est visé, c’est toute l’institution qui est attaquée et lorsqu’un de nos membres est visé, c’est toute l’institution qui doit réagir dans l’unité, dans la fermeté, dans l’efficacité et dans la fidélité aux valeurs qui nous constituent.

    Nous tous, personnels de l’éducation nationale, parents et élèves, nous devons condamner fermement cet acte barbare. Nous devons réaffirmer la force des valeurs de la République. Nous ne pouvons admettre ce crime infâme, dans la patrie de Voltaire, de Beaumarchais, d’Éluard, dans la patrie de la liberté de la presse, depuis les premiers journaux  jusqu’à Charlie Hebdo.

    Nous ne pouvons admettre l’instrumentalisation, le dévoiement de la religion pour détruire les valeurs qui nous fondent.

    Parce que ces valeurs sont des valeurs de liberté, des valeurs d’égalité, des valeurs de fraternité et que la laïcité est synonyme de liberté garantissant chacun de ces principes. Parce que nous tenons, comme à la vie, à chacune de nos libertés fondamentales et notamment à la liberté d’expression, à la liberté de culte aussi, à la liberté de croire ou de ne pas croire, de façon à continuer à partager cette destinée extraordinaire que l’on appelle

    France.

    La République est forte de ceux qui la composent, elle est forte aussi de ceux qui la servent. Elle ne reculera jamais, jamais, jamais, devant aucune terreur, ni aucune intimidation.

    Je tenais donc à vous redire, chers professeurs, chers personnels de l’éducation nationale, chères familles, chers élèves, tout mon soutien et tout le soutien de l’institution scolaire.

    Je serai, et notre pays sera, à vos côtés pour vous protéger, vous permettre de faire votre métier qui est le métier le plus essentiel : celui de transmettre à nos enfants les savoirs et les valeurs qui sont notre bien commun.

    C’est pourquoi ce matin, je recevrai les organisations syndicales, les organisations représentatives des parents d’élèves et des familles, de façon à regarder ensemble, toutes les réponses appropriées. Je les recevrai avec le Premier ministre et nous en tirerons toutes les conséquences nécessaires.

    Soyons fermes, soyons unis. Soyons solidaires, les uns avec les autres.

    Ce matin, nous sommes tous ensemble et j’ai une pensée pour chaque professeur de France.

    Pour que l’École, pour que la République, et pour que la France vivent et vivent en fidélité avec nos valeurs.

    Je vous remercie.

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